Les villageois, pour nous remercier de notre visite, nous ont offert les
danses des masques. |
Ce rite, normalement réservé aux initiés ou
aux personnes faisant partie du village et sollicitant une faveur
exceptionnelle, nous a permis d’assister à un spectacle
d’artistes complètement accomplis, à la fois
danseurs, acrobates, musiciens, comédiens. On les appelle « les
masques ». Ce spectacle est digne des représentations
de music hall en Europe, nous avons donc été particulièrement
gâtés, étonnés et ravis. |
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C’est
un grand cercle avec, tout autour, des hommes, des femmes, des
enfants.
La plupart d’entre eux sont venus à pieds des villages voisins,
parfois éloignés. |
Les
femmes ont mis leur tenue de fête dont la beauté |
et
le mariage des couleurs vives attirent le regard. |
Les
hommes, tranquilles, palabrent entre eux.
Les enfants, impatients, attendent dans une excitation à peine contenue.
La nuit est douce et sombre. L’éclairage, un néon alimenté par
une batterie, est faible. |
Tant mieux,
il participera à la
magie du moment.
Les musiciens se chauffent et cette chaleur se répand vite
autour du cercle.
Le Balafon, imposant, a besoin de deux joueurs pour s’exprimer. Les
rythmes s’accélèrent, les basses rappellent le pilage
du mil ; les aigus des feux follets ; la peau des Tam-tam sue ; les voix
crissantes des chanteuses pénètrent dans les oreilles.
Soudain un son frappé et suraigu se détache et résonne
au loin. Il se rapproche peu à peu. C’est l’annonce
des Masques. La tension monte encore… Ils arrivent. C’est
imminent.
D’un coup, ils sortent de la nuit et apparaissent dans le cercle.
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Tous les quatre sont revêtus
d’un costume en peau de la tête au pieds.
Probablement chargées de symboles, ils tiennent entre
leurs mains des baguettes de bois dont l’utilisation est un mystère.
Le spectacle, orchestré par une mise en scène bien rodée,
commence:
Ils dansent ensemble d’un même pas chaloupé et félin.
L’homme qui les accompagne n’est cependant pas satisfait.
Il les provoque, les harangue.
Traduction :
« Quoi ! tu appelles ça danser ? Tu crois que tout le public et
nos amis de France sont venus de si loin pour voir ça ? Tu es malade,
fatigué ? etc, etc…..
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Alors, le Masque, blessé dans son amour propre, exécute des
figures mêlant acrobatie et danse. Le public exulte rendant sa fierté au
danseur. Stimulé, l’acrobate défie les lois de la pesanteur,
augmente la difficulté, la vitesse ; les sauts périlleux
le sont de plus en plus. Il frôle le public, qui instinctivement,
se recule en applaudissant et en criant des encouragements. Les danseurs
se relaient, toujours plus impressionnants et ce, pendant plusieurs heures.
Proche de la transe, des femmes rentrent dans le cercle et dansent furtivement
avant de regagner leur place.
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Nous aussi
sommes invités dans le cercle. Pas moyen d’y échapper. |
Nous
devons danser un à un et les Masques doivent nous imiter. |
Le
succès
est total: ils n’ont sûrement jamais autant ri de leur
vie …
Et le spectacle reprend. Musiciens et danseurs sont infatigables.
Au bout de la nuit, les danses s’achèvent, les danseurs disparaissent
comme ils sont venus.
Les enfants n’ont plus la force de lutter contre le sommeil. Ils
dormiront sur place. |
Leur
rêve
n’est pas difficile à deviner : c’est sûr,
quand ils seront grands, ils seront danseurs. |
François
Coquet |
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