La canaille (4.1 Mo) |
Dans la vieille cité Française Existe une race de fer Dont l'âme comme une fournaise A de son feu bronzé la chair. Tous ses fils naissent sur la paille, Pour palais ils n'ont qu'un taudis. C'est la canaille, et bien j'en suis. Ce n'est pas le pilier de bagne, C'est l'honnête homme dont la main Par la plume ou le marteau Gagne en suant son morceau de pain. C'est le père enfin qui travaille Les jours et quelquefois les nuits. C'est C'est l'artiste, c'est le bohème Qui sans souffler rime rêveur, Couplet à celle qu'il aime Trompant l'estomac par le cœur. C'est à crédit qu'il fait ripaille Qu'il loge et qu'il a des habits. C'est C'est l'homme à la face terreuse, Au corps maigre, à l'œil de hibou, Au bras de fer, à main nerveuse, Qui sort d'on ne passait où, Toujours avec esprit vous raille Se riant de votre mépris. C'est |
C'est l'enfant que la destinée Force à rejeter ses haillons Quand sonne sa vingtième année, Pour entrer dans vos bataillons. Chair à canon de la bataille, Toujours il succombe sans cris. C'est Ils fredonnaient la Marseillaise, Nos pères les vieux vagabonds Attaquant en quatre-vingt-treize Les bastilles dont les canons Défendaient la muraille Que d'étrangleurs ont dit depuis C'est Les uns travaillent par la plume, Le front dégarni de cheveux Les autres martèlent l'enclume Et se saoûlent pour être heureux, Car la misère en sa tenaille Fait saigner leurs flancs amaigris. C'est Enfin c'est une armée immense Vêtue en haillons, en sabots Mais qu'aujourd'hui Appelle On les verra dans la mitraille, Ils feront dire aux ennemeis : C'est |
La chanson de Craonne (6.5 Mo) |
Quand au bout d’huit jours, le
r’pos terminé, On va reprendre les tranchées, Notre place est si utile Que sans nous on prend la pile. Mais c’est bien fini, on en a assez, Personn’ ne veut plus marcher, Et le cœur bien gros, comm’ dans un sanglot On dit adieu aux civ’lots. Même sans tambour, même sans trompette, On s’en va là haut en baissant la tête. Refrain Adieu la vie, adieu l’amour, Adieu toutes les femmes. C’est bien fini, et pour toujours, De cette guerre infâme. C’est à Craonne, sur le plateau, Qu’on doit laisser sa peau Car nous sommes tous condamnés Nous sommes les sacrifiés ! Huit jours de tranchées, huit jours de souffrance, Pourtant on a l’espérance Que ce soir viendra la r’lève Que nous attendons sans trêve. Soudain, dans la nuit et dans le silence, On voit quelqu’un qui s’avance, C’est un officier de chasseurs à pied, Venu pour nous remplacer. Doucement dans l’ombre, sous la pluie qui tombe Les petits soldats vont chercher leurs tombes. C’est malheureux d’voir sur les grands boul’vards Tous ces gros qui font leur foire ; Si pour eux la vie est rose, Pour nous c’est pas la mêm’ chose. Au lieu de s’cacher, tous ces embusqués, F’raient mieux d’monter aux tranchées Pour défendr’ leurs biens, car nous n’avons rien, Nous autr’s, les pauv’s purotins. Tous les camarades sont enterrés là, Pour défendr’ les biens de ces messieurs-là. Refrain Ceux qu’ont l’pognon, ceux-là r’viendront, Car c’est pour eux qu’on crève. Mais c’est fini, car les trouffions Vont tous se mettre en grève. Ce s’ra votre tour, messieurs les gros, De monter sur l’plateau, Car si vous voulez la guerre, Payez-la d’ vot’ peau ! |
Le sang des martyrs (4.4 Mo) |
Croyant étrangler les pensées, Les bourgeois pendent les penseurs. Malgré les potences dressées, Les pendus ont des successeurs. Vous pouvez viser les idées Et les abattre dans vos tirs, Elles grandissent, fécondées Par le sang des martyrs. Exploiteurs des deux hémisphères, Russes, Français, Américains, Négriers, tripoteurs d’affaires, Monarchistes, républicains. D’un bout à l’autre des deux pôles, Contentez vos secrets désirs. Plongez-vous jusqu’aux deux épaules Dans le sang des martyrs. C’est par vous que, couvrant la plaine, Pousse la moisson de demain. C’est par vous que la gerbe est pleine Des pis gras pour le genre humain. L’idole, dans son temple immense, Grandie par la mort des fakirs. Les semeurs, c’est vous ! La semence, C’est le sang des martyrs.. |